gérald petit // CAMILLE

 23 octobre 1997

En entrant, quelque chose vient vers vous. On sent que l’espace, que le corps connaît, parcourt selon des inclinations prévues (prévisibles aussi bien dans un appartement standard), forcé à quelque inclination inhabituelle.

On est pas repoussé, certes, mais poussé, exactement dans les limites d’un équilibre assumé par la couleur du mur (rouge) et deux petit couloirs : Au fond du premier, face à la porte d’entrée et recevant le spectateur, « Camille », c’est-à-dire l’image peinte d’une petite fille, en appui à peine sensible (infra-mince) sur sa jambe gauche, une main sortant moins que l’autre de sa manche : c’est son regard précisément qui vient vers vous. Au fond du second couloir, qui dirige non plus en face mais vers la gauche, une autre image peinte, celle d’un jeune homme qui vous regarde lui aussi ; son visage encore est légèrement incliné. Le long du mur qui sépare ces deux peintures de facture identique, une série de photographies N&B montre d’autres figures, un groupe, tenant à peine dans les limites étroites d’un cadrage serré. Pour entrer dans l’image, on sent qu’un ajustement des personnes serait nécessaire : s’incliner un peu plus, se hisser , ou au contraire se pencher, s’approcher pour être net ou dans la luminosité permettant d’éviter la surexposition, la sous-exposition. Autant que les peintures, ces photographies montrent des individus qui renvoient au visiteur un double sentiment de familiarité : par la reconnaissance d’une proximité attachées à des gens très « communs », par l’effet d’une symétrie ente l’espace des images (fictif) et l’espace de la galerie (réel) où le « sujet » doit toujours prendre garde à ce qui se passe à sa proximité De même que le visiteur de l’exposition se trouve dans au moins trois « situations » différentes, les personnages peints et photographiés se retrouvent dans un fond ou au premier plan : « Camille » est ainsi peinte petite fille, puis on la retrouve légèrement grandie dans les clichés photographiques.

Gérald Petit s’inquiète ainsi des « sujets » qui ne peuvent espérer de position stable, assise. De ce fait, ce n’est pas le sujet de la peinture ou de la photographie qui l’intéresse, ni non plus de savoir comment « représenter » les êtres, les gens, comment ils apparaissent. C’est d’un « je » à ce « tu » vers ce « nous » problématique que l’artiste paraît tenter la synthèse.

Mais synthèse n’est pas le mot juste : et ce mot juste (« il » sait que « je » le cherche !), Gérald Petit n’a pas voulu que je le trouve.

Emmanuel Latreille.