daniel firman // NATURE D’UN LIEU (À PROPOS D’UN ÉCART…)

27 février  27 mars 1999

Le 9 mars 1997, Daniel Firman a visité pour la première fois l’appartement-galerie Interface à Dijon. Sans jamais revoir ce lieu, il a tenté de le reconstituer d’après mémoire. Le travail fut représenté sous forme de plans et tableaux.En mars 98, à l’espace d’Art Contemporain de Paris (texte ci-dessous), il présentait un an après deux versions de l’appartement-galerie d’après les plans/mémoires A et E .

Il y a dans l’oeuvre de Daniel Firman une obsession qui semble relever de l’évidence, voire de la démarche tautologique, mais qui s’échappe au dernier moment, et lui permet de rebondir insensiblement d’une série à une autre.

La diversité des types d’installation réalisées, qu’il s’agisse de plantes vertes “fantômes”, de traces de langues moulées en chocolat, de gestes découpés dans le mur, de pièces phonétiques, repose en fait sur un même dispositif : sous des objets apparemment différents et “authentiques”, un geste inaugural a été en fait reproduit puis camouflé par un système faussement mécanique. Ce même geste, qui est celui par excellence de l’artiste est le “modelage” : transformation (ici, reproduction à l’identique) de la matière qu’il revient au public de retrouver et surtout de rejouer. En attendant cette récupération, sauvetage du sens et de la validité du domaine artistique, l’oeuvre a ce statut étrange, entre l’objet et l’artefact, ce que l’artiste appelle une “infraprésence”, qui fait la poésie des installations de Daniel Firman.

Ici l’objet proposé ressemble à une copie d’appartement, appartement à la fois fantôme -emboîté dans l’espace de la galerie- et réel, le spectateur est invité à l’utiliser comme tel. Le fait que cet appartement soit une galerie, et que cette galerie n’ait été reproduite qu’imparfaitement, à l’aide du seul souvenir de l’artiste, reste invisible. Mais cette faille -la fausse copie- est aussi à l’origine de la création d’un objet d’art dont les étapes sont en fait infinies. Le modelage de la mémoire de l’artiste propose un premier objet, que le parcours du spectateur redéfinit, puis repropose (en effet, les pas sont enregistrés et seront réintégrés dans une copie ultérieure de cette maquette).

Camille Morineau