Déplacements // mathieu arbez, romain moretto, carine munoz, axel roy et sung soo hee

27 janvier  icon-arrow-circle-right  4 février 2012

vernissage1 jeudi 26 janvier à partir de 18h

L’art a depuis longtemps réfléchi sur d’autres objets culturels qui se manifestent à lui. Ce faisant il acceptait les propositions que lui faisaient l’histoire, la mythologie, la science, la littérature, la poésie, les autres arts (doctrine de l’Ut pictura poesis) les mathématiques, la philosophie, les religions, la médecine… Mais l’art s’intéressait aussi au monde, à la vie ordinaire, surtout chez les maîtres hollandais du 17e siècle, tant il est vrai que la vie quotidienne des campagnes, des quartiers urbains, et des gens qui les peuplaient, était peu prisée des académies et des pouvoirs artistiques bien établis ; il n’est que de songer au sort qui fut réservé par la critique majoritaire, à Gustave Courbet pour avoir osé peindre, à l’échelle un, en 1850, Un Enterrement à Ornans. Au 20e siècle, le culte de la forme, porté par une certaine peinture moderne, va progressivement conduire l’art, par la peinture, à puiser ses sujets, d’abord dans le seul domaine du visible, puis seulement en elle-même. Ne cherchant plus à exprimer quelque propos que ce soit, le tableau va cesser de représenter l’espace tridimensionnel, pour se concentrer sur les caractéristiques de son médium. Par cette réduction moderniste, l’art allait délaisser les sollicitations extérieures et parmi elles le monde social. L’art avait décidé de se tordre sur lui-même, pour se regarder en face et définir plus encore son objet d’élection : la planéité et la peinture pure. Pourtant, après la seconde guerre mondiale, et malgré la théorie pendant longtemps dominante de Clement Greenberg, ardent défenseur de la pureté du medium, les choses avaient déjà basculé, notamment par l’avènement de deux artistes majeurs, Andy Warhol en « occident de l’Ouest » et Joseph Beuys en « occident de l’Est ». C’est à partir de ce moment, avec la fin de la modernité en art et l’avènement de ce que l’on a appelé, « l’art contemporain », que nous arrivons à un moment où l’art vient renouer avec son rapport au monde. Mais plutôt que de convoquer, selon un protocole assez fermé, les apports des autres disciplines artistiques (poésie, musique, littérature), il vient se déplacer, vers des disciplines et champs nouveaux. Il se mêle au domaine des sciences et de l’expérience en sollicitant l’action du spectateur (l’œuvre de Carsten Höller), à celui du forum et du cercle de débat et de pensées (l’œuvre de Thomas Hirschhorn) à celui de la philosophie (l’œuvre de Joseph Kosuth) à celui de l’histoire et des traditions populaires (l’œuvre de Jérémy Deller). La sociologie, l’anthropologie sont convoquées… Il en résulte un art qui, se rapproche de la vie, non pas pour esthétiser l’existence mais pour la questionner in vivo, avec l’exigence pour l’artiste de se déplacer, de s’immerger dans des lieux autres, pour aller à la rencontre. La proposition que je fais de présenter, dans la galerie Interface, quelques travaux actuels, d’élèves de l’ENSA Dijon, résulte des réflexions qui précèdent. Tout en gardant une ouverture à la diversité des médiums employés par ces jeunes artistes j’ai voulu insister sur une implication dans le monde commun. Il en va ainsi de l’œuvre de Romain Moretto. Son « déplacement » par la course à pied dans l’espace urbain, nous renvoie à ces joggers que chacun peut rencontrer, jour après jour, sur son trajet ; une question me venait souvent à l’esprit, dès avant l’œuvre de Romain Moretto : « mais où vont ces gens qui courent ? » L’allégorie rimbaldienne d’Une Saison en enfer, psalmodiée en courant, par Romain Moretto, n’est sans doute pas une réponse. Mais elle me donne à penser, par des formes nouvelles de l’art, sur certaines des pratiques corporelles de masse d’aujourd’hui.

Robert Milin, janvier 2012


  communiqué de presse

cette exposition est une invitation faite aux étudiants de l’école nationale supérieure d’art de dijon – sur une proposition de robert milin artiste et enseignant à l’ensa de dijon ; avec la participation des étudiants du département d’histoire de l’art de l’université de bourgogne – remerciements à bertrand tillier. interface reçoit le soutien de la direction régionale des affaires culturelles de bourgogne / ministère de la culture et de la communication, du conseil régional de bourgogne, du conseil général de la côte-d’or et de la ville de dijon.

  1. sortie du catalogue Entre poire et fromage  (back)