faudra qu’on en discute demain matin // Julien Cedran, Jean-Philippe Convert, Nolwenn Dequiedt, Dialogist-Kantor, Lise Duclaux, Jérôme Giller et Emmanuel Tête

29 mars icon-arrow-circle-right 10 mai 2008

L’exposition faudra qu’on en discute demain matin organisée par Troisième-Etage à Interface, propose une sélection d’artistes vivant et travaillant à Bruxelles, qui s’inscrivent dans une praxis de l’art en rupture avec la représentation artistique. Dépassement du cadre de la représentation, détournement des supports, utilisation de l’affiche, de la performance ; c’est au nom d’une esthétique opérante, en lien avec la vie et la société, que les artistes présents à l’exposition agissent. Esthétique opérante qui repense la place de l’art dans la société, son usage et son rôle, et invite le spectateur à prendre part à la création. L’art est pour ces artistes le principe fondateur d’une communauté de vie basée sur l’échange, le partage, l’écoute et le dialogue, comme le rappelle le titre de l’exposition.

Fatalitas Corp. est le titre générique d’un projet de design global dont l’enjeu serait de « nourrir la pensée » par le biais des objets du quotidien. Dans ce cadre, Julien Celdran propose un « système pour salle de bain » dont les axes majeurs sont l’eau et le corps. En réunissant des éléments décoratifs existants, la pièce assume une fonction ornementale tout en rassemblant un ensemble de données : textes, statistiques, schémas… Autant d’éléments disparates, qui traversent les mythologies, les sciences physiques, l’écologie ou la géo-politique en une tentative d’approche globale. A l’instar des autres productions de Fatalitas Corp. la notion d’usage détermine le rapport du visiteur au travail – une pratique active du regard via l’usage, via le corps. Aussi, il est possible de réserver la salle de bain d’Interface pour y prendre un bain. Enfin, c’est parce que ce système pour salle de bain est un prototype pour céramique qu’il faudra qu’on en discute demain matin.

Jean-Philippe Convert explore la langue comme matière plastique. Pour le finissage de l’exposition, il proposera une conversation qui consiste en une intervention d’une durée de 10 minutes. Le sujet de sa conférence sera l’exposition. Les conversations sont des occasions pour l’artiste de pointer les mécanismes propres à l’acte de parler et d’écouter. Avec les conversations, Jean-Philippe Convert remet l’oralité au cœur des échanges culturels. Le dialogue qu’il institue avec le public est un acte de désacralisation de la transmission classique du savoir. L’auditoire est amené à intervenir et à prolonger le dialogue au sujet de l’art.

Nolwenn Dequiedt et Jérôme Giller sont artistes et animateurs de la structure de diffusion Troisième-Étage. Leur travail commun consiste à s’approprier images et textes du monde artistique ou médiatique qu’ils détournent et/ou réadaptent pour en questionner le sens. Sad days at the door nobody is knocking est le “re-enactement” d’une photographie prise en mai 68. La photographie éditée sur bâche, est une re-visitation de la posture de la révolte sociale adaptée à la société actuelle. Ils présentent aussi une vidéo. Les évènements ratés joue avec la rhétorique du langage pour proposer un conte moral de l’évènement artistique. Jérôme Giller présente également une série de vidéos satiriques, la crise de lard, sur les mécanismes attachés à l’économie politique de l’art. Cette série pamphlétaire invite le spectateur à prendre conscience de son rôle critique dans la construction du sens du discours des œuvres plastiques.

Les Dialogist-Kantor (Toni Geirlandt & Carlos Montalvo) sont performeurs. Ce qui est en jeu dans leurs performances n’est pas le corps (celui de l’artiste) mais la communauté. Les Dialogist-Kantor utilisent la performance comme une attitude de résistance face à la réification des individus par le corps social. Ils s’appuient sur l’idée que l’art est une fête permanente, collaborent avec d’autres groupes artistiques, organisent des réunions annuelles où chaque individu est invité, qu’il soit artiste ou non, à participer à l’édification de la pensée et du geste esthétique. Vidéos, affiches programmatiques, objets, constitués en archives à ré-activer témoignent tour à tour de leur contre-culture. Pour l’exposition Faudra qu’on en discute demain matin, les Dialogist-Kantor réaliseront le jour du vernissage une intervention intitulée en pure perte II, qui consistera en une performance avec mise en espace d’archives.

L’art de Lise Duclaux est un acte de ré-enchantement du monde qui utilise la fiction, la danse et le don comme modes opératoires. Ce ré-enchantement passe par le recyclage et le détournement afin de semer (parfois de manière littérale comme dans Zone de fauchage tardif, collection Mac’s Grand Hornu) le trouble dans les espaces traditionnellement dévolus à l’ordre et à l’autorité. Le « détournement en-chantant » de Lise Duclaux s’observe à Interface dans une série de pièces présentées où les messages traditionnels des panneaux signalétiques (obligations / interdictions) sont détournés au profit de messages à caractère préventif : tiens bon ! ; il y a de la place pour tout le monde, etc. Lors du vernissage, Lise Duclaux proposera un dispositif de boutures et de semis de plantes (plantes de Bruxelles), en libre distribution, accompagné d’une fiche technique sous forme de certificat d’oeuvre qui invite le public à découvrir et à prendre soin de la plante qu’il ou elle aura emporté avec lui. Le dernier jour de l’exposition, le dernier film de Lise Duclaux intitulée du 11 au 314 sera projetée. Il s’agit d’un walk-movie déambulatoire dans la ville de Bruxelles, à la découverte d’un quartier, d’un lieux et de ses habitants.

Emmanuel Tête réalise des affiches qui traduisent les préoccupations d’un artiste engagé dans les questions politiques, économiques et sociales autant locales que globales. Ses affiches interrogent le rôle et le statut de l’artiste comme producteur de formes et de discours. Comme il le dit : les affiches sont une sorte de « publicité sociale » en rupture avec la communication dominante. Destinées à être diffusées dans la rue, elles s’adressent à tout citoyen de la société. Les affiches d’Emmanuel Tête s’appuient sur une réalisation graphique où « tout est fait à la main », le dessin comme le texte, privilégiant ainsi, comme le fait la caricature et le dessin de presse, le jet sur la composition. Cette technique de composition permet à l’artiste de communiquer la singularité et la personnalité de la parole. Pour l’exposition, Emmanuel Tête présente une série de 8 affiches originales, éditées à 25 exemplaires chacune. Un exemplaire de chaque affiche sera présenté sous cadre sur les murs de la galerie. Les autres exemplaires seront en libre distribution. Ce dispositif de monstration est une manière pour l’artiste de jouer avec le statut de l’oeuvre d’art et les conventions artistiques.

Jérôme Giller