les péripéties de l’invention // lisa aïach, marion berry, alexia chevrollier, grégory cuquel, mathieu girard, antoine nessi, paul paillet, emma perrochon, thibaut quentric, frédéric sanchez

28 mai  icon-arrow-circle-right  17 juillet 2010

Etant à l’initiative de ce projet, les artistes questionnent l’univers de l’expérience. On compare parfois le travail du créateur à celui du scientifique ou du savant fou. Cette exposition met en évidence les joies de la création. À l’instar du professeur S. Priford, ces chercheurs ne sont pas en mal d’idées, quitte à redoubler d’inventivité pour arriver à leurs fins. Si certains travaillent dans l’exaltation du faire, d’autres ont le geste précis et minutieux. Nombre d’œuvres sont réalisées à partir d’outils ou de machines. En effet, malgré ici et là, la trace de ce que l’on pourrait qualifier de résidus d’atelier, l’exposition se présente comme un (bilan de mi parcours) étalage des recherches en cours, en un mot une esthétique du chaos organisé. Tenter une expérience, c’est aussi risquer l’échec. Qu’il s’agissent d’accumulation ou de modification du matériau l’efficacité du geste n’a qu’un but : servir le maître mot de l’exposition : le plaisir.

Forme de réminiscence de l’atelier de bricolage, Antoine Nessi propose deux sculptures. Elles sont perçues au départ comme de simples formes abstraites, mais rapidement certains détails permettent de comprendre l’origine de ces formes. Ces volumes sont obtenus par un processus de moulage et présentent ces machines sous formes de portraits.

Les toiles et dessins que Frédéric Sanchez réalise s’inspirent de choses que l’on peut voir dans l’atelier, des cartons, des bâches et des chutes de planches. L’œuvre abstraite est suggérée, voir même fantasmée bien qu’il n’y ait jamais vraiment de passage à l’acte. “La série de monochromes intitulée Rechutes est un travail autour de l’idée de châssis de forme (shaped canvas). Ici, la forme des châssis est trouvée sur des chutes de planches laissées par des artistes. Chaque pièce de bois est évidée pour obtenir une structure semblable à un châssis sur lequel on tend une toile. Ce procédé produit de nouvelles chutes que l’on traite à leur tour de la même manière jusqu’à épuisement du stock de chutes. La couche monochrome rappelle la couleur de la planche d’origine, d’où le titre. Il y a là la volonté de recycler des rebuts d’atelier avec humour vu qu’en définitive on débouche sur des réalisations aux allures de déchets améliorés. »

Grégory Cuquel recycle en permanence ses anciennes sculptures, de la même façon il semble digérer plutôt que détourner différents matériaux de la culture pop. Il emprunte ses matériaux dans le backstage de la culture heavy metal, explorant la faculté d’un objet à activer la mémoire. Grégory Cuquel assemble des éléments disparates dans un jeu de construction en constante reconfiguration, qui trouve sa forme momentanément figée le temps de l’exposition. Une esthétique du chaos organisé. Dans certaines œuvres, Grégory Cuquel effectue « une espèce de retour à l’atelier mais dans la sculpture même ». Une sorte de visite de son atelier en images accélérées et saccadées.

 

Emma Perrochon développe un travail de sculpture qui joue avec la tension entre différents matériaux, questionnant leur origine et leur sens. « Cette sculpture est issue de la manipulation de deux matériaux aux qualités différentes : La tendresse et la mollesse de la terre, le nerf et le tranchant du métal. Si le résultat évoque une composition florale inoffensive et décorative (on pense au porte-pots anciens en fer forgé), il présente aussi ce qui serait des corps organiques contraints avec une certaine violence par une armature. C’est à partir de ce conflit dans la représentation que les matières s’animent : la terre, inerte sous sa forme la plus brute prend ici “corps” et le certain ravissement du aux arabesques et au scintillement du zinc est mis à mal par le potentiel blessant de sa facture. L’innocent objet populaire, désuet et kitsch, devient ici une sorte de trophée sacrificiel. Plante mutante, elle semble issue d’une expérience botanique sous-terraine ou le support (porte-pot et pot) prennent vie. »

A travers Projections, Emma Perrochon et Frédéric Sanchez cherchent à lire l’avenir. Ce travail est issu d’une tradition finlandaise qui voulait que le jour du nouvel an, un morceau d’étain dans une poêle et de le jeter rapidement dans l’eau pour ensuite interpréter la forme. « Les objets obtenus ont de fortes qualités sculpturales : métal en fusion précipité dans l’eau froide, sa forme est purement aléatoire, libre, et ne peut être maîtrisée. C’est donc à la fois un tirage de sculpture en tant qu’édition, mais aussi un tirage comme tentative de projection dans l’avenir. Notre projet sera d’en proposer un exemplaire, mais cette fois ci de taille plus conséquente : récupérée pour le cadre d’une exposition et sous la forme d’une sculpture, cette tradition sera pour nous la métaphore d’une sculpture questionnant l’avenir, la tentative de le figer. C’est en un sens une production de science fiction, qui montre notre questionnement en tant qu’artiste face à l’avenir. Grâce a sa forme libre, elle offre une multiplicité d’interprétations possible – du détail à l’ensemble – sans vérité absolue, agissant ainsi comme un miroir pour celui qui la regarde. »

Le travail que propose Lisa Aïach s’articule autour du factice. « En partant du placebo (en latin = je plairai) je remplace les gélules et comprimés confinés dans des « blisters » (emballage thermoformé et aluminium) par de fausses pierres précieuses. Comme si le seul aspect de ces nouveaux médicaments pouvait faire effet. Ainsi, selon un principe insensé, on consommerait ces pierres pour se sentir mieux, affiner sa silhouette. Autant de raisons absurdes que le domaine pharmaceutique nous créé pour nous séduire et nous vendre des plaquettes… »

Alexia Chevrollier met en scène de petites danseuses en papier. « Je donne vie à ces petits corps l’espace d’un instant. Elles s’animent lorsqu’une goutte d’eau vient se poser sur elles, tournoient, se déploient, se défont. Telle une marionnettiste je joue avec ces petits bouts de papiers pour réaliser un ballet. Le son qui accompagne la vidéo est celui de la fabrication des danseuses. L’image, celle de leur destruction. »

Thibaut Quentric utilise l’objet photograhique comme un élément de sculpture. Pour l’exposition, sa photographie vient se substituer au reflet réel de la fenêtre créant ainsi un effet de miroir.

Marion Berry : « Cette vidéo est pour moi comme une métaphore de l’acte musical, de ce qui se lie entre le musicien et l’instrument lors d’un concert par exemple. La dimension fétichisée que peut prendre le corps du musicien, est extrêmement liée au statut évanescent de l’objet musical. Ce sacré de l’instrument qui est en partie lié à sa résonnance, est ici peu à peu réduit au silence. Le démontage de ce corps sonore est vu comme un acte chirurgicale, qui cherche, puis prélève et en enfin ampute l’instrument de sa résonnance, comme lors d’un concert le musicien tire de son instrument le fluide sonore. Sans cet acte, l’instrument est cependant rien de plus qu’un bel objet. On dit que l’instrument est le prolongement du corps humain, mais en réalité, je pense que les deux corps se prolongent l’un l’autre. »

Mathieu Girard attaque directement dans les formats industriels, pour faire rentrer de force des seaux de peintures dans des étagères inadaptées. Ce faisant, il met en jeu les standards industriels dans une situation burlesque.

Pour cette exposition, Paul Paillet propose un ensemble de briques. Bien que le matériau utilisé, du béton soit moderne, les briques ont été réalisées à partir d’une technique archaïque. Forme de prise d’autonomie par rapport à l’utilisation courante des matériaux traités.

Exposition réalisée en partenariat avec l’école nationale supérieure d’art de Dijon et suivie par Hubert Besacier