l’infini mis à la portée des caniches // thomas fontaine

16 juin  icon-arrow-circle-right 21 juillet 2012

« L’homme refuse le monde tel qu’il est, et pourtant, il n’accepte pas de lui échapper. En fait les hommes tiennent au monde, et dans leur immense majorité, ils ne désirent pas le quitter. Loin de vouloir le quitter, ils souffrent au contraire de ne pas le posséder assez, étranges citoyens du monde, exilés dans leur propre patrie. Sauf aux instants fulgurants de la plénitude, toute réalité est pour eux inachevée. Leurs actes leur échappent dans d’autres actes, reviennent les juger sous des visages inattendus, fuient comme l’eau de Tantale vers une embouchure encore ignorée. Connaître l’embouchure, dominer le cours du fleuve, saisir enfin la vie comme destin, voilà leur vraie nostalgie, au plus épais de leur patrie. Mais cette vision, qui dans la connaissance au moins les réconcilierait avec eux-mêmes, ne peut apparaître, si elle apparaît, qu’à ce moment fugitif qu’est la mort, tout s’y achève. »

Albert Camus, lectures (L’Homme révolté)