FAITES TRAVAILLER LES AUTRES // damien béguet

12 NOVEMBRE icon-arrow-circle-right 23 DÉCEMBRE 2005

Damien Beguet se positionne comme un véritable entrepreneur. Producteur d’objets en série signés de son nom, de pièces uniques au label des financeurs, il utilise les méthodes et stratégies de l’entreprise au profit de sa production artistique. Par sa démarche Damien Beguet démontre que le statut d’artiste n’est plus une vision romantique basée sur le génie mais une profession à part entière, qui repose sur un échange où le symbolisme deviendrait économique.

Dans l’exposition proposée pour la galerie Interface, Damien Béguet nous invite à plonger dans les eaux troubles de l’art et de l’entreprise. L’espace ressemble à s’y méprendre aux halls d’accueil de nombreuses sociétés. Bureau, produits marketing à l’effigie de la marque, la mise en scène nous projette instantanément dans le monde des PME.

Damien Béguet créé des objets hybrides à mi-chemin entre le fonctionnalisme et l’esthétisme pur. Emprunté au paysage industriel, Mémorial lampe est une réplique d’un pylône à haute tension et surmonté d’une ampoule. Détourné et retravaillé, l’ensemble peut être lu sous trois registres : un emprunt visuel, une sculpture et une lampe. Pour cet artiste marqué par la pratique de la peinture, la notion de fabrication de l’œuvre est plus importante que l’acte de peindre. La série de lampes avec grille de protection, Verres luisants sont des ready made ; agencés de façon aléatoire sur le mur de la galerie, leurs fonctions deviennent alors dérisoires face à l’aspect pictural produit par les ampoules colorées. Il déconstruit les logiques économiques et utilise la sous-traitance dans la production de son propre travail. Pour preuve, l’exposition présente plusieurs œuvres réaliser par d’autres artistes. Ces produits ont fait l’objet d’une commande dont les prestations et les droits à l’image ont ensuite été achetés par Damien Béguet. D’où le titre de l’exposition : faites travailler les autres. L’artiste ne se contente pas de puiser dans l’univers de l’entreprise, il y plonge sans retenue. Il pousse jusqu’au bout sa démarche et demande aux entreprises ou institutions de participer à la plus value des œuvres qu’il réalise. C’est ainsi qu’il fut autorisé à peindre le logo du ministère de la culture de la série Parrain sous condition d’une transaction de 1 000 Euros au m2. L’entreprise ne sera pas propriétaire pour autant du tableau. Elle paie juste un droit d’affichage. En conclusion de cette démarche, l’artiste pose la question Et si l’artiste était un sujet médiatique et l’œuvre d’art un support publicitaire .

L’artiste inscrit son travail dans la réalité économique. Il a créé une marque de fabrique, un label « Damien Béguet » qui figure entre autres sur ses cartons d’emballage ainsi que sur tous les produits marketings qu’il diffuse (publicité, cendrier…). Ainsi il manipule et questionne le geste artistique de manière onirique ou critique pour produire des dualités de sens, et des interrogations sur la société, l’urbanité et la position sociale de l’artiste.

Nadège Marreau

 icon-external-link Site internet de Damien Béguet