Publié dans le catalogue : appartement galerie interface / dijon – 06.1995 – 06.2001
L’intérêt d’exposer pour un artiste peut se résumer à une ligne supplémentaire sur le cv, quelques ektas ou diapos à archiver et si le budget des organisateurs est conséquent, un catalogue précédé d’un beau carton quadri. Les articles de presse et de magazine du régional à l’international sont les bienvenus pour augmenter l’archivage et faire circuler le nom dans le milieu de l’art. La cerise sur le gâteau étant la vente des œuvres pour récompenser le travail de l’artiste ! Cette vision idyllique [1. nous ne sommes pas ironiques mais réalistes] mais strictement économique de l’artiste est un reflet cynique et désincarné de notre société contemporaine occidentale où par un plan média-marketing bien organisé , nous aurions pu, avec interface, peut-être devenir une machine incontournable dans le paysage de l’art en France. Heureusement nous ne sommes pas dans une logique faustienne où l’art s’agite à perdre son âme pour quelques éclats fugitifs se voulant plus consuméristes que la société elle-même.
Notre finalité est ailleurs, loin du tumulte : rencontrer des artistes et montrer leur travail. Entre ces deux instants, quelques contacts entre le ou les artistes et notre structure ; chacun fait ses demandes et ses remarques pour que le projet prenne corps. Naturellement nous informons l’artiste – il a en général déjà compris – que la proposition est juste une exposition et rien d’autre. Notre volonté est de le présenter et non d’être en représentation ; l’axe de cette démarche est de se recentrer sur l’œuvre, cet objet étrange vecteur de réflexions et d’émotions. Nous essayons d’accompagner cette quête de sens pour qu’elle soit la plus lisible possible au plus grand nombre de personnes. L’exhibition se manie avec précaution, c’est avant tout un moment important pour l’artiste que nous voulons rendre encore plus important : qu’il fasse de ce laps de temps une œuvre éphémère, une recherche d’équilibre entre l’intégrité de chaque pièce. L’accrochage est là pour rendre compte d’une démarche, transmettre une énergie ou développer une ambiance en espérant que le visiteur lambda ressortira bouillonnant d’interrogations !
Étant nous-mêmes artistes, nous ne nous prenons ni pour des commissaires ni pour des chroniqueurs d’art [2. Ils sont souvent les deux à la fois]. Nous ne voulons pas ressembler à ceux qui ont « la délicatesse » de prendre les artistes pour des marionnettes [3. certains artistes se complaisent dans cette situation] et qui les manipulent pour assouvir quelques rêves enfouis de création. Il s’agit ni de formater les artistes, ni de développer une écurie ou bien encore de se constituer une collection. La tentative reste liée au besoin initial de l’artiste : réunir les meilleures conditions d’exposition et rendre propice l’échange avec le public, en évitant les interférences pour être seulement l’interface.
olivier nerry & frédéric buisson – programmateurs d’interface