21 septembre 19 octobre 1996
Depuis le début des années 70, le travail de Marc Camille Chaimowicz est préoccupé par la question de l’identité. Délaissant le recours direct au corps par lequel elle est un moment passé, l’œuvre se partage entre la recréation de lieux de vie hypothétiques, sans cesse remodelés, et l’émergence des artefacts qui les hantent, objets quotidiens affectifs et prosaiques, éléments décoratifs ou architectoniques, dans lequel le tableau semble assurer un statut hybride et transitoire. De cette quête, la peinture est l’instrument générique et métaphorique. Tantôt mythique et portant tous les stigmates de l’intériorisation, elle court le danger de se perdre en elle-même, moins dans une auto-complaisance que dans une auto-consomption. Mais cependant, artifice toujours, artifice majeur, c’est à travers elle que ce qui relève de l’intime se métamorphose pour livrer sa face extravertie, via l’artisanat, le pattern, la médiation du métier d’art ou de la reproduction en série.
La grande exposition présentée en 1994 au « Consortium » à Dijon et au « Quartier » à Quimper marquait une double étape : d’un côté elle faisait le point sur cette capacité extensive à générer des formules publiques (susceptibles de réinvestir l’intimité d’autrui). De l’autre, avec la Suite de Varsovie elle semblait tout à coup accéder au lieu originaire et donner à la peinture un détachement, un recul d’une souveraine autonomie. Sans cesser d’occuper sa place ambigue, le tableau devenait ce « mutant » singulier, mais dédoublé, détaché, totalement requalifié par son propre clone.
Ce qui s’opère ici dans les pièces nouvelles de la Rue de Mirande est plus qu’un pas de côté, plus qu’une esquisse en chemin. C’est un radical renversement de perspective. Il ne s’agit plus de reconstituer un lieu intime que ce soit l’atelier de l’artiste ou l’espace de vie ouvert sur on ne sait quel ailleurs. Il ne s’agit plus non plus d’inventer des objets probables. Une solution est trouvée qui subvertit à la fois les lois du genre de la peinture et celles de l’installations pour donner ce lieu excessif dans lequel sont venus s’agglomérer les vestiges de nos quotidiens et dans lesquels s’ébauchent des formes qui demeureront à jamais latentes. Ce lieu c’est la nature morte qui redevient ainsi, dans un contexte absolument contemporain, le prisme puissant qu’elle a été à d’autres moments de l’histoire. Un artifice qui nous confronte à des questions vitales avec une stupéfiante d ésinvolture.
Hubert Besacier Octobre, 1996
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